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1 juin, 2018
Auteur Par pierre Delval
Source https://www.financialafrik.com/2018/06/01/la-piraterie-indnr-menace-les-littoraux-africains/
Pays enregistreur

La piraterie « INDNR » menace les littoraux africains

La pêche demeure pour des milliards de personnes à travers le monde une ressource majeure en termes d’alimentation, de nutrition et de moyens de subsistance. Près de 170 millions de tonnes de produits aquatiques sont récoltés chaque année depuis 2015. Autrement dit, chaque seconde 5400 kg de produits de la mer sont extraits des océans soit en pêche sauvage par 4,6 millions de navires, soit en aquaculture. Le chiffre d’affaires annuel de la filière représente environ 218 milliards de dollars et confirme, malgré la surexploitation des espèces, une tendance à la hausse. Experts, organisations internationales, entreprises de la filière, société civile, tous soulignent la contribution essentielle qu’apportent les océans. Tous assurent que ces derniers offriront dans l’avenir, auprès d’une population mondiale toujours croissante, l’une des sources majeures de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Pourtant, d’après les données des Nations Unies et de la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), 70% de la biomasse marine est surexploitée, au point de ne plus pouvoir se régénérer à temps. 30% des populations de poissons ne sont plus qu’à 10% de leur capacité de reproduction. Sur les 9000 à 10 000 tonnes de poissons que nous pêchons par heure, pratiquement la moitié est gaspillée! Or, près de dix milliards d’habitants devront être nourris en 2050. Oui, mais voilà, le code de conduite pour une pêche responsable adopté en 1995 lors de la conférence de la FAO n’est pas respecté. Et malgré le plan d’action de 2001 contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée (INDNR) entré en vigueur le 5 juin 2016, les mers continuent d’être spoliées dans des proportions qui défient toute logique de sauvegarde de l’humanité. 26 millions de tonnes de poisson sont ainsi pêchées illégalement chaque année, soit plus de 15% de la production totale de la pêche de capture dans le monde. Outre les dégâts sur le plan économique, ces pratiques mènent la biodiversité et la sécurité alimentaire à leur perte.

Vous l’avez compris, la pêche INDNR est un phénomène global pour tous les types de pêcheries, en eaux côtières comme en haute mer. Des milliers de chalutiers portant pavillons de complaisance ou sans pavillon parcourent en permanence les océans. Beaucoup proviennent de la flotte démantelée de l’ex-URSS, mais aussi d’Asie, et parfois d’Europe. Souvent dissimulé dans des stocks de pêche autorisée et vendu mélangé aux produits de la mer distribués légalement, le poisson issu de la pêche INDNR est particulièrement difficile à tracer, devenant par nature une cible de choix pour les organisations mafieuses. Et pour cause, les profits de la pêche INDNR leur rapporteraient entre 10 et 20 milliards de dollars par an.

Parmi les délits identifiés, le crime halieutique (piscicole) est sans nul doute l’une des criminalités environnementales les plus marquantes de ces dernières années. Nous nous trouverions ainsi face à une pratique dans laquelle le ratio risques-bénéfices est particulièrement profitable par suite de la quasi absence de répression dissuasive dans les pays qui la subissent, dès lors qu’ils n’ont pas, ou ne se donnent pas les moyens réels de réagir et de sanctionner cette « piraterie » d’un nouveau genre que nous nommerons la piraterie « INDNR ».


Pierre Delval
Pour mieux comprendre le phénomène, il conviendrait d’abord de définir les contours de ce trafic illicite. Au plan large, le crime halieutique est une activité enfreignant les lois sur la pêche ou échappant aux lois et réglementations dans ce domaine. Sur un plan plus restreint, la pêche dite illégale est pratiquée par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux territoriales d’un Etat, sans l’autorisation de ce dernier ou contraire aux lois et réglementations dudit Etat. C’est ainsi que l’on constate la pêche illégale sous de multiples formes : celle sans permis, celle pratiquée dans des zones restreintes ou les aires marines protégées (AMP), celle pratiquée avec des engins ou matériels interdits comme tout récemment dans l’UE avec les filets électrifiés (en cours de négociation entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne pour une interdiction totale et irréversible de la pratique), celle dépassant les quotas ou celle d’espèces interdites.

Et les exemples de ces derniers mois, notamment en Afrique, ne manquent pas. En juin 2017, sept chalutiers chinois de 30 à 40 mètres étaient arraisonnés par la marine sénégalaise alors qu’ils péchaient, sans autorisation, au large de la Casamance. Toujours durant cette même période, l’action de Greenpeace, en coordination avec les services des pêches du Sénégal, de Guinée, de Guinée-Bissau, du Cap-Vert et de Sierra-Léone, permet de procéder à la saisie de 11 navires pratiquant la pêche illégale sur 37 inspectés. Les infractions étaient nombreuses : prélèvements d’ailerons de requins, tailles de maille de filets incorrectes, transbordement en mer, absence de documents et pratiques de pêches en-dehors de la zone autorisée. La situation actuelle en Afrique de l’Ouest est le résultat, non seulement de décennies de surpêche, mais aussi d’inactions ainsi que de non-concrétisation des engagements pris par les gouvernements des Etats ouest-africains concernés. Ce constat, confirmé par tous, puise ses sources dans les derniers rapports combinés de 2017 de l’Overseas Development Institute (ODI) – un groupe de réflexion britannique spécialisé dans le développement – et de por-Causa – une organisation espagnole de journalisme d’investigation. Pour ces derniers, des pays comme le Sénégal, la Sierra-Léone et la Mauritanie connaissent une situation dramatique avec le ratissage de leur littoral par des chalutiers venus de loin, notamment de Corée du Sud. Cette pêche parfaitement illégale représentait déjà un manque à gagner pour le Sénégal de 300 millions de dollars en 2012, soit 2% à l’époque de son PIB. Cette même année, la Sierra-Leone, l’un des pays les plus pauvres de la planète, perdait 29 millions de dollars. L’opacité des accords de pêche entre gouvernements ouest-africains et leurs partenaires commerciaux, les capacités limitées des patrouilles et les failles juridiques à l’arrivée de ces poissons en Europe contribuaient à cette situation. Aujourd’hui, rien n’a sérieusement changé et la situation empire sur le littoral ouest du continent. Les cargaisons illicites, représentant jusqu’à 44% des exportations ouest-africaines, sont ainsi transportées dans des conteneurs géants réfrigérés et mélangées à d’autres marchandises de même catégorie pour échapper aux contrôles européens.

Le 15 novembre 2017 était adoptée, à Lomé, la charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes ainsi que le développement en Afrique. Cette charte avait nourri de sérieux espoirs pour une lutte plus efficace contre la pêche INDNR. 18 mois plus tard, on se rend bien compte que la priorité fut placée au niveau de la sécurité, reléguant l’INDNR au second plan. Les déclarations d’avant Lomé annonçaient un texte novateur prenant équitablement en compte toutes les questions liées au domaine maritime. A l’analyse dudit texte, on se rend bien compte que les enjeux liés à la sécurité maritime prévalaient sur la lutte contre la pêche INDNR et que les articles attachés à ce dernier sujet ne sont qu’une pâle copie du plan d’action du FAO de 2001, l’imprécision en plus. Aux termes des dispositions de la charte, « chaque État prend les mesures appropriées pour lutter efficacement contre les activités de pêche INDNR dans le cadre de ses juridictions nationales et pour prendre les mesures juridiques appropriées visant à poursuivre les auteurs de pêche INDNR ». Le plan d’action, élaboré 17 ans plus tôt, va beaucoup plus loin que la charte en énumérant les mesures appropriées que chaque Etat doit mettre en place. Cette charte semble également s’inspirer de la Convention de Montego Bay adoptée en 1982, même si cette dernière s’inscrivait dans un cadre beaucoup plus général. Le texte de 1982 laissait à chaque État côtier le choix de définir des lois et règlements (compatibles avec la convention) fixant les différentes modalités à respecter dans le cadre de sa juridiction nationale. Ainsi donc, l’article 26 de la charte de Lomé s’inscrit certes dans la dynamique des textes fondateurs de 1982 et 2001, mais reste beaucoup moins précise.

Néanmoins, et en toute bonne foi, il conviendrait de reconnaître les difficultés que peut poser la question de souveraineté des États en droit de l’environnement et plus généralement en droit international. En effet, très attachés à leur indépendance légitime, les États ont souvent du mal à accepter les solutions collectives, mettant de fait leurs compétences territoriales hors de la dimension transnationale, pourtant bienveillante. D’où la tendance aux solutions individuelles plus respectueuses des souverainetés, mais tellement peu efficaces lorsqu’il s’agit d’espaces maritimes sans frontières. La décision de laisser aux États mal pourvus le choix d’adopter leurs mesures, souvent trop limitées, ne fait que renforcer un « souverainisme maritime » inefficace, entravant de surcroît les actions collectives. Il semblerait plus judicieux d’encadrer cette liberté de choix par une obligation d’harmonisation et de coordination au niveau régional. Ainsi, l’Union Africaine (UA) pourrait, par exemple, définir des standards communs auxquels se conformeraient les mesures prises au niveau national. Ainsi, l’aspect « inachevé » de cette charte de Lomé ne peut être l’outil politique attendu. La pêche INDNR étant une vraie menace, c’est par deux actions parallèles que les responsables nationaux devraient plutôt appréhender la lutte contre ce fléau : le renforcement des moyens existants et l’élaboration d’un cadre juridique de régulation mieux adapté. En voici notre décryptage.

Dans un premier temps, il apparaît souhaitable d’améliorer la coopération déjà présente entre Etats africains d’abord, et entre Etats africains et le reste du monde ensuite. S’inspirer de la Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP) pour développer une approche de lutte basée sur la mise en place d’un cadre juridique répondant aux exigences du droit international et le développement d’une approche intégrée fondée sur la collaboration, la coordination des actions et la mutualisation des moyens, éviterait des pertes de temps inutiles. Dans un second temps, l’aspect financier restant la raison généralement invoquée par les pays africains pour justifier la mise en œuvre limitée des conventions, il serait judicieux de réfléchir à la création d’un fonds spécial géré par l’UA consacré exclusivement à la lutte contre la pêche INDNR.

Au-delà de ces suggestions visant à parvenir à une mise en œuvre des différents textes existants, d’autres pistes peuvent également être explorées en vue de parvenir à une lutte plus efficace contre cette situation alarmante en Afrique. Le ton semble être donné avec l’entrée en vigueur le 5 juin 2016 de l’Accord sur les mesures du ressort de l’État du port. Cet accord mentionné en introduction de notre chronique est le premier instrument juridique mondial directement consacré à la lutte contre la pêche INDNR. Qu’attendent les Etats africains pour l’appliquer ? Mettre en œuvre les conventions déjà existantes en la matière est de toute évidence la priorité des priorités, en attendant des textes plus spécifiques et mieux adaptés dans un futur très proche. Peut-être arriverons nous ainsi à croire dans une démarche collégiale qui protégerait enfin l’espace maritime africain des actes de piraterie « INDNR » ! Nicolas Hulot disait « l’écologie n’est pas une option », la lutte contre la pêche illégale non-plus.

 
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